Autrefois, jadis, lorsqu’on pouvait encore se réunir pour des soupers de famille arrosés et animés, une question candide a fait l’objet d’une conversation pendant un moment avec ma belle-famille. On parlait de voyages, puis la conversation a dévié et mon beau-père a demandé à la seule linguiste de la table (moi) pourquoi on disait parfois « en » et d’autres fois « au » en désignant un pays.
La question m’a pris de cours et j’ai mis quelques secondes à penser ma réponse. Puis, après une rapide analyse mentale, je me suis rendu compte que le nom des pays, comme n’importe quel autre mot, d’ailleurs, est parfois masculin et parfois féminin. Ça ne m’était jamais venu à l’esprit auparavant; je savais naturellement et d’instinct quand il fallait dire « au » et quand il fallait dire « en », mais je ne m’étais jamais penchée plus longuement sur la question. C’était acquis.
Eh bien, qu’à cela ne tienne! J’ai décidé d’en faire aujourd’hui le sujet du présent article!
La règle
Si certaines sources déclarent qu’il n’existe pas de « règle absolue » pour déterminer le genre d’un pays et que celles-ci recommandent donc de consulter un dictionnaire ou une encyclopédie en cas de doute, certaines règles générales encadrent cela dit leur expression écrite et orale.
On dira en devant les noms féminins et ceux qui commencent par une voyelle ou un h muet :
- En Argentine
- En Espagne
- En Hongrie
On dira au (donc à + le) pour les noms masculins et qui commencent par une consonne ou un h aspiré :
- Au Royaume-Uni
- Au Japon
- Au Honduras
Certains pays ou certaines îles, en raison de leur très petite taille, ne sont précédés d’aucun article (donc ni le, ni la). Vous n’y croyez pas? Pensez-y, vous trouverez certainement quelques exemples évidents…
- À Cuba
- À Terre-Neuve
- À Kiribati
Pour finir, les pays aux noms pluriels sont précédés de la préposition « aux », qu’ils soient féminins ou masculins.
- Aux États-Unis
- Aux Philippines
- Aux Émirats arabes unis
Évidemment, comme c’est toujours le cas avec notre trésor de langue française, plusieurs exceptions subsistent quand même et échappent à ces règles toutes simples…
- En Croatie (féminin)
- En Israël (masculin)
- En/À Haïti (masculin)
Dans ces cas, il vaut effectivement mieux se mettre le nez dans un dictionnaire afin de vérifier la préposition appropriée!
Qui choisit?
La question qui suit rapidement est la suivante : mais qui donc détermine le genre d’un pays? Historiquement, ce qui est aujourd’hui le nom d’un pays était parfois un adjectif, comme c’est le cas pour la Belgique, autrefois dénommée Gaule Belgique.
Cela étant dit, il faut tout de même garder en tête que le nom d’un pays, exprimé dans sa langue natale, n’a pas toujours de genre. C’est lorsque ce nom est traduit dans une autre langue, par exemple le français, que cet exonyme a besoin de se voir attribuer la préposition et l’article qui conviennent. Dans quelques langues, comme l’anglais, le nom d’un pays n’a pas de genre, la question est donc bien vite réglée!
Au Québec, c’est la Commission de toponymie qui détermine le nom et le genre de tout lieu ou entité géographique sur son territoire. La logique appliquée est que le nom de l’entité géographique porte habituellement le genre du générique sous-entendu, par exemple la Montérégie, dans lequel le générique sous-entendu rivière est féminin.
La Commission se conforme quant à elle aux recommandations de la Division francophone du Groupe d’experts des Nations Unies pour les noms géographiques. Cette Division vise, entre autres, à uniformiser le genre des noms de pays dans l’ensemble de la francophonie à l’échelle mondiale, évitant ainsi que l’Italie soit féminine au Canada, mais masculine (ou plutôt, masculin!) en Afrique!