On entend souvent dire que l’apprentissage de la langue française est parmi les plus difficiles pour un locuteur de langue étrangère. Pour ma part, grande amoureuse de la langue que je suis, je préfère décrire le français comme étant « complexe ». Après tout, on trouve souvent une certaine beauté et une grande richesse à ce qui est complexe, tandis que le mot difficile a quelque chose de moins reluisant…

Qu’on parle de difficulté ou de complexité, reste que la langue de Molière est faite de nuances, d’exceptions et, il nous faut l’admettre, de pièges. Ainsi donc, quand on utilise un mot dans un contexte qui ne lui correspond pas ou qu’on lui donne un sens qu’il n’a pas, il s’agit d’une impropriété. Quand on parle d’ « anglicismes », on fait plutôt référence à ces mots d’origine anglaise qu’une autre langue, dont le français, a empruntés. Or, ces fautes surviennent plus souvent qu’on ne le pense dans nos conversations de tous les jours et, pour certains, ces accrochages linguistiques peuvent résonner aussi fort qu’une fausse note à l’oreille d’un musicien. Voici quelques exemples fréquents.

CADRAN (impropriété)

En vous réveillant en retard un matin de semaine, vous vous préparez en jurant avant de vous précipiter au bureau. À votre collègue préféré, vous déclarerez d’un air morose : « Désolé, mon cadran n’a pas sonné ce matin… ».

En effet, il n’a pas pu sonner, puisqu’aucun cadran ne sonne! Le cadran est en fait la surface graduée ou divisée en unités de mesure (entre autres, le temps) et sur laquelle tournent une ou des aiguilles pour indiquer la valeur d’une de ces unités. Le cadran fait partie de l’appareil qui vous permet de régler une alarme pour qu’elle sonne à une heure précise. Si vous voulez parler de cet appareil, vous devrez donc utiliser les mots réveil-matin ou réveil, puisque cadran dans ce sens est une impropriété.

DÉFINITIVEMENT (anglicisme)

On utilise « définitivement » à toutes les sauces, souvent pour marquer le caractère indiscutable d’un point, comme dans les exemples suivants :

  • Ce n’est définitivement pas mon genre.
  • Il a définitivement besoin d’aide.

Pourtant, ces formulations sont incorrectes puisqu’elles donnent au mot définitivement le sens qu’on lui attribue en anglais. C’est donc un anglicisme sémantique.

Contrairement à ce que semble nous dicter notre instinct, le mot définitivement n’est pas synonyme de clairement ou de assurément. Définitivement signale plutôt la finalité d’une étape, d’une discussion ou encore d’une situation, et équivaut donc aux expressions pour de bon, à jamais ou durablement, comme dans : « Ce magasin a fermé définitivement ses portes. »

PRENDRE POUR ACQUIS (anglicisme)

Cette formulation vient de l’anglais to take (something or someone) for granted et illustre assez bien les pièges de la langue auxquels je faisais référence plus tôt, puisque si l’expression prendre pour acquis est incorrecte en français, la formule prendre pour au sens de croire à tort, est quant à elle tout à fait idiomatique. La différence réside dans le fait que la première formulation est un calque de l’anglais, une suite de mots qu’on a traduite littéralement sans tenir compte des règles de la langue française.

Pour remplacer prendre (quelque chose) pour acquis, on optera plutôt pour :

  • Tenir pour acquis
  • Présupposer
  • Admettre au départ ou admettre sans discussion

Pour éviter de prendre (quelqu’un) pour acquis, on dira :

  • Tenir pour acquis
  • Traiter sans égards

Pour finir, il est vrai que la langue française en est une de déviations et de longs trajets sinueux parfois capricieux, mais souvent éclatant de beauté; elle est à l’image d’un sentier plongé au cœur de la forêt. À ceux qui se trouvent frustrés par ses nombreuses embûches, dites-vous que c’est un peu comme l’apprentissage du vélo : avec le temps et la répétition, on finit par réussir à profiter pleinement de la balade…